Cour de cassation – Chambre criminelle – 28 juin 2017 (pourvoi n° 16-86261, inédit)

La remise en état des lieux peut être imposée au bénéficiaire de travaux illicites. Mais le Code de l’urbanisme impose au Tribunal de recueillir l’avis du maire ou du fonctionnaire compétent.

La sanction pénale des constructions illicites

Le Code de l’urbanisme comporte des sanctions pénales dont la plus emblématique est inscrite à l’article L. 480-4.

Selon ces dispositions, le fait d’exécuter des travaux sans l’autorisation d’urbanisme requise, ou non conformément à l’autorisation obtenue « est puni d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. »

Les autorisations d’urbanisme concernées

Sont visés l’ensemble des constructions (même sans fondations), des travaux, installations et aménagements affectant l’utilisation des sols, les travaux de démolition, sauf ceux qui sont dispensés d’autorisation d’urbanisme par décret en Conseil d’Etat.

Signalons au passage que les installations, ouvrages, travaux et activités ayant un impact sur l’eau (IOTA), sont également soumis à autorisation ou à déclaration mais relèvent d’une autre législation prévue au Titre Ier du Livre II du Code de l’environnement

Par autorisation d’urbanisme on entend les permis d’aménager, permis de construire, les permis de démolir et, lato sensu, le fait d’avoir procédé à une déclaration préalable lorsqu’elle est suffisante mais néanmoins exigée.

Le rôle éminent des maires

La délivrance des autorisations d’urbanisme incombe aux maires des communes dont le territoire est concerné, le cas échéant assistés des services de l’Etat (Directions Départementales du Territoire – DDT) qui instruisent les dossiers de demande d’autorisation, le maire conservant toujours la responsabilité de délivrer, ou refuser, l’autorisation sollicitée.

L’appréciation de la demande de permis de construire s’effectue au regard des règles du Code de l’urbanisme et, dans la très grande majorité des cas, des règles locales d’urbanisme fixées par le plan local d’urbanisme (PLU, qui a remplacé l’ancien POS).

Les premiers édiles se voient ainsi confier un rôle éminent dans la délivrance des autorisations d’urbanisme.

Ce rôle est confirmé par la police du droit de l’urbanisme dont ils disposent et qu’ils ont le pouvoir d’exercer en dressant procès verbal à l’encontre des contrevenant et/ou en prenant des arrêtés interruptifs des travaux illégaux.

Mais toute médaille ayant son revers, le pouvoir ainsi donné au maire peut constituer un moyen de défense utile aux contrevenants, ainsi que l’illustre l’arrêt commenté.

La remise en état suppose l’avis du maire

L’arrêt rendu le 28 juin 2017 par la Cour de cassation met l’accent sur une subtilité parfois oubliée du droit pénal de l’urbanisme, inscrite à l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme.

« la remise en état ne peut être ordonné par le Tribunal correctionnel qu’à la condition de recueillir l’avis du maire »

Selon ce texte: « En cas de condamnation d’une personne physique ou morale pour une infraction prévue aux articles L. 480-4 et L. 610-1, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue même en l’absence d’avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l’autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur. »

En d’autres termes, la remise en état ne peut être ordonné en la matière par le Tribunal correctionnel qu’à la condition de recueillir l’avis du maire.

Ces observations peuvent être transmises verbalement lors de l’audience ou par écrit.

Elle n’ont pas nécessairement à être suivies par le Tribunal.

Mais elles doivent figurer au dossier, à peine de nullité de la procédure.

Le sens de l’arrêt

C’est ce moyen qu’un plaideur, condamné en appel pour des travaux illégaux soulevait astucieusement.

Ces travaux étaient conséquents s’agissant de « la construction d’un mur en lieu et place de la digue, un stockage de plusieurs cuves de vin, avec des remblais et une aire bétonnée surélevée, un stockage de divers matériels et de plusieurs cuves de vin, un remblais en pierres calcaires concassées, et un amoncellement de piquets de bois, de terre et de divers produits, des travaux et des aménagements sur la digue, sous la forme d’un mur en parpaings ».

« aucune mention de l’arrêt ni du jugement n’établit que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites »

La Cour d’appel de Bordeaux (arrêt du 13 septembre 2016) l’avait ainsi reconnu coupable d’avoir construit ou aménagé un terrain dans une zone interdite en violation d’un plan de prévention des risques d’inondation, condamné à une amende de 10000 euros et ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.

Or, la Cour de cassation devait relever « qu’aucune mention de l’arrêt ni du jugement n’établit que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites. »

La Cour de cassation ne pouvait ainsi que faire droit au moyen du pourvoi et casser l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux, non sans avoir rappelé au visa de l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme que:

« en cas de condamnation pour une infraction prévue par l’article L480-4 du code de l’urbanisme, la juridiction correctionnelle statue sur la mise en conformité de l’ouvrage, sa démolition ou le rétablissement des lieux en leur état antérieur au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent »

La morale de l’histoire

Trois enseignements peuvent être tirés de cette affaire:

  • il n’est de bonne justice pénale sans respect des formes imposées par la loi;
  • il n’est pas permis de construire sans autorisation, mais il n’est pas interdit d’avoir de la chance;
  • il n’est pas certain que la leçon apprise par la Cour d’appel de Bordeaux au bénéfice du prévenu ne le soit pas à ses dépens puisqu’il est renvoyé devant la même Cour pour y être à nouveau jugé.

(Cour de cassation – Chambre criminelle – 28 juin 2017 – pourvoi n° 16-86261, inédit)

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